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Images du Quotidien
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16 décembre 2008

La caresse

pouv018

Pas beaucoup de photos en ce moment. J'ai donc envie de revenir sur quelque chose de plus ancien.
Il s'agit d'une image de Jacques Chirac lors de sa visite au salon de l'agriculture l'année dernière.
Fin mars 2008, presque un an après son départ de l'élysée, il revient au salon pour la premiere fois avec son statut d'ex-président de la république.
Lorsque l'on est un photographe politique, le salon de l'agriculture est une sorte de défi. Un exercice de style permanent. Durant 15 jours toute la classe politique se presse dans les allées afin de serrer quelques mains, vider des verres, et gouter du bout des lèvres des morceaux de viandes cuisinées à la hâte.
C'est souvent drôle, parfois pathétique, toujours exténuant. J'ai le souvenir de quelques uns errant seuls dans les travées. Poussés là par des conseillers en communication désireux de faire une image populaire. Certains sont perdus, gênés, et tiennent maladroitement les verres qu'on leur tend. Ils accompagnent leurs malaise d'un sourire en coin qui exprime le désir de fuite.  On sort de cette épreuve lessivé. Le bruit, les sollicitations. l'impossibilité a faire une image qui se tienne me donnent souvent l'occasion d'une petite déprime passagère...
Pour Jacques Chirac rien de tout cela. Selon la legende il est comme un  poisson dans l'eau dans cet élément là. Ici la rumeur de ment pas. Chirac embrasse, boit, mange. Chirac fait des blagues, touche. Chirac sourit, serre mains et épaules qui s'approchent. Pourtant cette fois ci son humeur est parfois changeante. Moins volubile qu'à l'accoutumée. Nous, observateurs directs (journalistes, photographes) voyons bien qu'il se tient à son garde du corps plus que d'habitude, que le pas est moins rapide. Les poses plus douloureuses. Nous nous disons dans l'oreille "il a pris un coup de vieux". Nous le disons à voix basse, entre deux bousculades, pour ne pas gêner le vieil ami de la famille qui habite loin maintenant...
Au salon le principe est toujours le même. Les responsables de la presse gérent tant bien que mal la progression de la visite au milieu de la foule dense et surexcitée. Nous nous positionnons à l'avance à chaque arrêt prévu sur le trajet pour faire l'image du politique accompagné d'un jambon ou d'un animal quelconque. Ici je me poste derriere des moutons. A chaque fois que je me retrouve dans ce genre de situation, je me dit "drôle de métier". Il me semble m'extraire de moi même et je me regarde en train d'attendre là, à coté de moutons dans un hall de parc d'exposition qu'un homme vienne donner une marque d'affection.
Bon.
Je suis là pour ça. Essayons encore de trouver au milieu de ce désordre un semblant de vérité.
En place. Le cortege arrive. Caméras, perches des preneurs de son s'agitent. Les agents de sécurité font de la place. Chirac fend la foule qui s'ouvre devant lui. Je suis dans l'axe. Il s'approche. La troupe se fixe devant les animaux. Un homme tente de lui expliquer, des choses rationnelles, des procédés d'elevage..je ne sais..
Chirac n'écoute pas. Un instant il leve la main et va la poser sur la tête de ce pauvre mouton qui lui demande bien ce qui lui arrive. Chirac fait la mou, je me dit qu'il se voit lui aussi comme ce mouton. Une bête de foire que l'on balade. à qui l'on fait faire des numéros. Tous les deux, là, de chaque cotés de la barriere partagent un moment d'intimité. Il semble lui exprimer : "je comprends, mon vieux, je sais ce que c'est"..."ça va aller"
Toutes les mains, de gauche à droite, me font une ligne de démarcation. Décrivent la frontière invisible entre la bête de foire et le politique.
Ici c'est le spectacle et la fin est proche. "monsieur le président ...! continuons la visite"
Le cortege repart. Je suis coincé derriere la barriere. Des confreres me marchent dessus. C'est le jeu. Je les laisse partir. Il faut que je m'assoi quelques instants.
Une fois l'agitation terminée, je regarde le mouton abandonné d'un coup tout comme moi. Je souri de mes divagations.
Allons ! il faut continuer.

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