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Images du Quotidien
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13 janvier 2009

Recto Verso


STLAZARE019

11h. Mon téléphone sonne : « Sébastien, tu peux aller à la gare saint Lazare ? . Il y a une grève et les trains sont arrêtés.. » . « Euh.. bon d’accord, j’y vais »

Lorsque j’arrive sur place, j’avoue ne rien connaître de la situation qui se déroule ici. La gare est fermée. Les voyageurs sont dehors, devant les grilles tombées. Des policiers à l’intérieur. Un désordre sourd règne. Personne ne crie. Personne ne râle. Personne ne semble en colère. Mis à part l’état géographique des voyageurs, rien ne laisse apparaître l’évènement qui se met en place.

J’attrape au passage un confrère qui passe par-là. Il a une caméra sur l’épaule. Il m’explique que les cheminots se sont mis en grève spontanée pour protester contre l’agression d’un conducteur la veille au soir. Aucun train n’arrive, ni ne part de la gare saint Lazare qui est maintenant complètement fermée. Situation surréaliste où les gens sont le nez collé aux grilles pour avoir des informations qui n’arrivent pas. Ils semblent espérer un hypothétique retour a la normale qui leur permettra de rentrer chez eux. Je me retrouve donc a photographier ces personnes de dos. Je ne peux pas être face à eux. Je ne vois pas leurs visages. Cela me frustre. Je cherche à me faufiler. Je n’y arrive pas. Puis, je me résous au dispositif photographique qui m’est imposé. Après tout, pourquoi pas ? Je travaille donc sur ces nuques, ces têtes qui de temps en temps se retournent. La variété des personnages se révèle. C’est finalement assez beau de construire cette image surréaliste qui ne veut pas dire grand chose. Je continue, mais me demande ce que le journal va faire de ça..

STLAZARE051

La journaliste de libé qui est sur place m’appelle. Elle est arrivée avant moi et se trouve à l’intérieur. Elle m’indique une porte et vient me chercher. J’arrive à rentrer dans la gare qui est complètement vide. Le spectacle est assez beau. Je crois n’avoir jamais connu cela. Les lieux d’habitude emplis de tant de monde sont complètement désertés. Le hall, les bancs, les quais sont comme figés. La machine s’est arrêtée. Les objets attendent le redémarrage. Je profite du moment. La fascination visuelle du quai vide, de ces trains qui attendent, me gagnent. J’avoue céder à la facilité de la perspective. J’ai peu de temps. Les personnes qui nous ont fait entrer nous pressent déjà de ressortir. Je pense alors au sens que je vais donner à tous cela. Après les images des personnes de dos à l’extérieur, je suis au sein même de ce qu’ils tentent de voir. Je vis l’évènement comme un recto verso. Les deux facettes d’une même pièce. Dedans ou dehors. Je me dis que c’est finalement exactement ce que je veux. Me balader sur la brèche. Flâner sur la frontière et pouvoir, quand je le veux, passer d’un monde à l’autre.

On dira que je ne choisi pas. Peut être. Je ne sais pas. C’est, malgré tout, comme cela que je veux voir. La scène et la coulisse. Le discours officiel et la réalité. Pile et face.

Je ressors de la gare. J’ai le sentiment de passer d’un monde à l’autre. Les gens sont partis pour la plupart. Ils cherchent d’autres moyens de rentrer chez eux. Ils vont vers d’autres histoires. Les leurs. Je vais repartir vers la mienne.

Pour le journal de demain nous passerons les deux images. Le regard du lecteur s’arrêtant sur la grille puis s’échappant au bout du quai.

Une histoire de regard qui fait son chemin. 

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