Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Images du Quotidien
Archives
25 janvier 2009

Occulté

DRAY010
Un vendredi soir dans l'Essonne. A Sainte Geneviève des bois très exactement. Je me retrouve là pour les vœux de Julien Dray à ses administrés. En pleine tourmente à cause de l'enquête préliminaire qui le concerne sur des mouvements de fonds suspects, me voici donc à attendre sur un trottoir perdu, dans le froid. Sur place nous apprenons que la cérémonie, ouverte à l'origine, est fermée à la presse. Julien Dray n'a pas apprécié un article le concernant dans le libé du jour. Mes confrères et moi faisons donc la planque , comme on dit, autour de cette salle.
Une salle des fêtes comme il en existe beaucoup d'autres. Dans l'hostilité des personnes présentes qui se rendent à la soirée, nous nous disposons face aux différentes sorties possibles. Julien Dray est déjà à l'intérieur. Le défi est maintenant de faire une image à la sortie. Cela peut paraître bien peu honnête et sain. Mais, enfin, nous sommes là et cela fait aussi partie de notre métier. l'attente indécise, la recherche d'une image impossible. Certains diront inintéressante. Soit, mais comment le savoir sur l'instant? comment se dire "cela ne vaut pas le coup!." dans ce genre de situation, je me couvre. J'essaie d'être patient et obstiné. J'ai du mal à partir sans avoir quelque chose. Quitte à ce que ce quelque chose se révèle sans chair le lendemain.
Allons y donc pour la traque de l'homme reclus dans la salle. J'assume les leçons de morale des redresseurs de presse qui ne manquent pas lorsque l'on met tout sur la table. je prends le risque..
Nous sommes 3 photographes présents et prenons positions assez rapidement face à une vitre. Nous avons repéré que celle ci donne sur une porte qui lorsque quelqu'un rentre et sort nous laisse entrevoir l'interieur de la salle. Nous ne nous cachons pas. Les objectifs collés à la vitre, nous essayons d'attraper quelque chose. L'un de nous y arrive. Entre deux mouvements de porte, il photographie Julien Dray en train de parler à l'intérieur. Je suis à la ramasse.. je ne vois rien et lorsque j'aperçois quelque chose, les personnages dans mon cadre disparaissent bien vite.
L'entourage du politique remarque rapidement notre petit manége. Ils donnent l'ordre de boucher notre vue avec un reste de nappe en papier. La même nappe qui servira tout à l'heure à disposer les petits gâteaux. Leur effort me fait rire et me navre un peu.
DRAY012
Le temps s'écoule difficilement. Le froid, la fatigue se font de plus en plus pesants. Au bout de trois heures d'attente, ça bouge.. Le service d'ordre ouvre des portes de tous côté, ils les referment aussi tôt. Stratégie de l'éblouissement pour nous faire perdre la boussole. Caméras et photographes, nous sommes à l'affût du moindre mouvement, sachant très bien que si cela sort trop loin de nous, c'est foutu. Alors, nous devenons un peu fous. Ne pensant plus qu'à la sortie. Ne pensant plus qu'à la faire cette image. J'avoue de pas avoir une réflexion très profonde à ce moment là. La frustration d'être bredouille oriente exclusivement mon esprit sur cette porte qui doit s'ouvrir. Nous échafaudons tous les scénarios possibles. Je suis sûr qu'aucuns de ceux là ne va se réaliser.
Une voiture se gare à l'arrière de la salle. Elle recule et se positionne face à une porte dans le sens du départ. Je me mets à côté. Un cameraman est avec moi. Une personne se met au volant. Elle allume le moteur et reste en place. Je sens que c'est bon. Il faut rester concentré. Soudain la porte s'ouvre. Avant de voir quoi que ce soit j'entends un homme qui dit "on y va!". Il l'a lancé à la volée. Comme le coup de pistolet du starter. Comme un encouragement à ses comparses. Une masse s'extirpe de la porte. C'est le service d'ordre qui suit immédiatement Julien Dray. Il est devant. Ceux ci tentent de le cacher pour qu'il s'engouffre dans la voiture. 8 ou 10 personnes lèvent les bras. Ca va vite. En trois secondes tout est joué. Ils sont tous sortis, occultant notre vision. J'ai à peine deviné la scène. Une fois le politique dans la voiture, celle ci démarre à toute vitesse. Les gars du service d'ordre, rentrent à nouveau dans la salle, par la même porte, aussi vite qu'ils sont sortis.
Je me retrouve dans le noir. Je ne sais pas ce que j'ai réellement. Je regarde l'écran de mon appareil. Quatre photos. Deux totalement flous. Deux passables. Ce ne sont pas de grandes photos. Je n'ai pas maîtrisé grand chose. C'est un moment. Une sortie chaotique et un peu ridicule. Pourquoi toute cette mise en scène? Qui en est responsable? Eux ? Nous? Sûrement un peu tout le monde. je vérifie mon image. elle correspond à ce que j'ai vécu. L'appareil à enregistré tout cela presque malgré moi. Drôle de sentiment de n'avoir pas fait grand chose mis a part d'être là, au bon moment. Ou bien alors était ce un mauvais moment? Tout dépend de quel côté de l'objectif on se place. J'en ai conscience.
Je relève la tête. Ils sont tous en train de partir.
Comment vais je rentrer?

Publicité
Commentaires
S
on me pose souvent cette question. je n'ai pas vraiment de réponse précise. tout cela se fait dans un même mouvement. l'événement, l'image, la réflexion que je mène autour de tout cela... un détail me porte vers une image qui me porte elle même vers une réflexion. j'essaie en tout cas d'avoir un regard fort sur ce que je suis censé observé et rapporter. parfois ça marche, parfois non..<br /> mais je me sens réellement comme un photographe de presse..avec ses grandes et petites actualités. c'est justement cela qui m'intéresse. le renouvellement quotidien des scènes et des situations, mais la régularité du regard.
G
J'ai découvert ton blog photo par celui de Pierre Morel!<br /> Merci pour ce blog, c'est un plaisir de suivre le contexte lié à une image.<br /> <br /> Pour cette photo/série, je me demande parfois si tu déclenches en pensant à une publication éventuelle ou si tu ne penses pas à cela?<br /> <br /> Bonne semaine à toi!
Images du Quotidien
Publicité
Publicité