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28 janvier 2009

Un verre d'eau

ancensure019
Assemblée nationale. Le parti socialiste a déposé une motion de censure contre le gouvernement. Elle est discutée aujourd'hui. En théorie, cette mesure peut renverser le gouvernement si elle est votée, mais ici la majorité fait bloc et cette initiative n'a aucune chance de passer. Alors les explications, les discours sont là pour prendre date. Les postures politiques sont des messages vers l'extérieur. Chacun tient son rang, son rôle, ses convictions.
Jean marc Ayrault, président du groupe socialiste, a parlé le premier. C'est maintenant au tour de François Fillon, le premier ministre. Nous, photographes, sommes placés dans les tribunes latérales, les guignols comme on appelle ça...oui, les guignols...ce nom m'a toujours amusé. Il s'agit des tribunes qui se trouvent de part et d'autre de là où se tient le président, face à l'hémicycle. Je suis tout au bord. Juste à côté d'un député ump qui crie et éructe à chaque phrase de l'orateur. Lorsque je me retourne, je vois que son voisin immédiat dort. Je me demande comment il fait. Photographier à l'assemblée, est périlleux. On peut s'endormir aussi. Rester trop longtemps sur un personnage et rater une action qui se déroule ailleurs. L'oeil rivé dans le cadre de mon téléobjectif, j'entends parfois les déclenchements de mes confréres à côté de moi. Je me dit alors : "ouh là, qu'est ce qui se passe?" Je lève le nez. Je les regarde puis la salle en direction des objectifs. Je vois un ministre qui parle à un autre. Un député qui s'est levé et vient hurler à la face d'un autre. Petites scènes de la vie parlementaire qui nous font voyager dans le temps. Ces attitudes sont éternelles. Je les retrouve dans les dessins de Daumier ou les photos de Erich Salomon. J'aime l'idée que les républiques changent mais pas les moeurs parlementaires. On pourra s'en révolter ou s'en émouvoir. Je préfère en rire plutôt que d'en pleurer.   
Le premier ministre parle. Il déroule son discours brillamment. Il justifie, il invective. Il se tourne vers sa majorité. Il se tourne vers l'opposition. Je suis complètement de côté. Son visage ne m'apparaît que par instant.
Je photographie les gestes qui accompagnent les phrases. Les rictus qui apparaissent au bon mot. Le premier ministre cherche l'approbation des députés de son camp dans les moments de pause.
Je remarque qu'il perd sa voix au fur et à mesure de son allocution. Les intonations se font moins fortes, moins percutantes. Le son enroué me met mal à l'aise. Je vois le verre d'eau que l'huissier à posé a côté de lui lors de sa montée à la tribune. Il ne sen sert pas. Il ne boira à aucun moment. Je me dis pourtant qu'il pourrait. Un instant, il pourrait s'en saisir, profitant du désordre causé par les députés à la fin d'une phrase. Mais non. Le verre reste là pendant que sa voix s'en va.
Le discours se termine. Les dernières phrases, celles que nous reconnaissons lorsqu'elles sont prononcées. Il à fini. L'opposition crie. La majorité applaudit. Le premier ministre baisse la tête. Le travail est fait. Il remet ses lunettes dans sa poche et se penche vers le verre d'eau. Il le prend et le boit d'un trait. Je me concentre sur ce moment là. Je le bois avec lui. L'homme à dut souffrir. Cette voix qui lui à fait défaut, cette gorge qui se dérobait. Ces faiblesses me rassurent à nouveau.
Le verre d'eau était un remède à la gêne qu'il ressentait, y céder eut été un aveu de faiblesse. Pas question de montrer cela aux adversaires.
J'ai compris cela aujourd'hui.

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