Juste après
Je me retrouve à faire des images d’un débat entre deux
hommes politiques. L’un, de droite, est au gouvernement. L’autre, de gauche,
est député et élu local. Thème du débat, le plan de relance et la politique du
gouvernement. Ils arrivent presque ensembles accompagnés de leur attachées de
presse respectives. Salutations, sourires. Ils se connaissent, se tutoient. Il
est tôt. Café, croissants. On peut commencer. Les micros sont ouverts, les
cameras sont allumées. Le débat démarre.
L’un : mais vous savez très bien que votre plan de
relance est riquiqui. Il ne suffit pas. Vous ne pouvez pas espérer faire
redémarrer la machine sans soutenir la consommation.
L’autre : je reconnais bien là des préceptes déjà
entendus. Vous dites la même chose depuis des années. Vous, évidemment, votre
politique tient seulement à ouvrir les vannes en toutes situations…. Comme vous
l’avez fait lorsque vous étiez au pouvoir !
L’un : vous ne pouvez pas dire cela. Cela fait
maintenant bien longtemps que vous l’êtes, vous, au pouvoir, et il serait temps
de prendre vos responsabilités…il est bien trop facile de remettre les raisons
du malaise sur des décisions que nous avons prises dans le passé.
L’autre : pourtant, on ne peut pas nier l’effet
dévastateur des 35 heures..
L’un : vous n’avez rien d’autre ? Cet argument
est dépassé…. Et faux !
L’autre : il faut tenir compte d’une situation
mondiale et soutenir le système d’aide aux entreprises afin que celles ci
puissent soutenir l’emploi.
L’un : certes, mais il ne faudrait pas oublier de
soutenir aussi le pouvoir d’achat des français..
Cela dure comme cela durant une heure. J’alterne de l’un à
l’autre. Fais des portraits. Cadre les expressions de l’un en intégrant un bout
de visage de l’autre.
Au bout d’un moment, l’un et l’autre se mélangent dans ma tête. Leurs deux images se superposent. Je décide de les photographier comme des ombres pour ne retenir que ce qui les rapproche.
Le débat est maintenant terminé.
Les micros à nouveau fermés. Les caméras à nouveau
éteintes.
C’est là que le off commence.
L’un : dis donc, tu as reçu mon dossier ?
L‘autre : lequel ?
L’un : ben, je t’ai envoyé une demande de financement
pour un projet dans ma commune.
L’autre : j’ai pas vu précisément, mais c’est
quoi ?
L’un : un complexe sportif…superbe !
L’autre : ah ouais, c’est bien ça….après les gens sont
contents...ah ah ah
L’un : oui eh eh eh non mais sérieux, il faut que tu regarde..
L’autre : bien sûr….y en a pour combien ?
L’un : oh !..18 millions...il faudrait que
l’état prenne sa part tu vois…je sais pas peut être la moitié..
L’autre : oui oui ça semble pas poser de problème.
Ecoute, tu m’appelle et on voit ça…bon faut que je file..salut !
L’un : ok salut !! je t’appelle alors..
Le petit monde s’en va. Epaule contre épaule, dans le
petit couloir, ils s’en vont rejoindre l’ascenseur qu’ils vont prendre
ensembles. Je les laisse là un peu abasourdi par ce que je viens d’entendre. Je
ne sais trop que penser. Enrager contre le cirque qui s’est joué devant mes
yeux ? Ou regretter que le off ne soit finalement pas la règle ?
Vaut il mieux la confrontation ? Ou l’échange et le
travail ensemble ?
Pas de réponse pour moi. Je continue ma route en espérant
trouver un jour une inclinaison vers l’un ou vers l’autre.