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Images du Quotidien
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28 mai 2009

La chaleur confortable du renoncement

AUBROY019
La campagne des européennes continue.
Nous sommes aujourd'hui à Nantes pour le meeting socialiste qui doit se tenir avec, en grandes vedettes, Segolene Royal et Martine Aubry. Tout est organisé pour faire une seule et même image : les deux femmes ensembles, souriantes, tirant un trait de plume sur les batailles du congres de Reims. Avant le meeting du soir, Martine Aubry visite une exploitation laitière..sans Segolene. But de la visite : montrer l'intérêt pour la crise de la filière laitière aujourd'hui. Les politiques arrivent en bande. Martine Aubry est entourée d'une nuée de collaborateurs et d'élus du coin. Nous sommes déjà en place. Nous aussi sommes très nombreux. Je m'inquiète pour le meeting de ce soir. à voir le nombre d'objectif présent ici, je me dit que la soirée va être apocalyptique..le suite me donnera raison. En postes, donc, à l'entrée de la ferme, nous attendons la socialiste. Lorsqu'elle arrive, elle nous adresse un vibrant : " ah mais quel beau troupeau de vaches!" ou bien encore "mais c'est moi qui conduit un troupeau"...bon..je ne peux pas forcément lui donner tort. Nous suivons tant bien que mal le groupe des politiques absorbés par les propos de l'exploitant. Bonjour aux camarades, visites de la trailleuse, de l'étable. Les photographes et caméras sont collés à Aubry. Ils ne voient rien si ce n'est elle entourée de micro. Aucun élément du lieu, du moment, n'apparaissent dans les images. Avec un petit groupe de photographes désabusés, déjà!, comme moi nous nous tenons un peu à l'écart, à l'avant du cortège. Nous nous regardons comme dans un miroir, les pieds dans la terre, sans rien faire. Nous rions tous de notre manque de motivation. Je me tiens à coté d'un membre du service d'ordre lorsque le cortège se met à nouveau en branle. Il regarde par terre et dit dans son micro, à destination de ses collègues qui progressent avec Aubry : "pour info, il y a des bouses.." la phrase me fais rire et je m'efforce de la retenir pour vous la raconter. Nous arrivons à la lisière d'un champ où se tiennent les vaches. Elles nous regardent,
s'approchent. Deux troupeaux s'affrontent. Nous rions évidemment. Qui est le plus surpris, le plus intelligent des deux? Je me pose sincèrement la question.. Certains tentent de monter une photo de Martine Aubry avec les vaches...raté, elles fait demi tour et poursuit le programme établi. Une table ronde est prévue avec les agriculteurs. Ils s'installent sous un préau. Aubry s'assoie dos à la lumière, à contrejour. Du coup tout le monde s'en va. Durant la discussion tous les journalistes sont partis derrière discuter avec les second couteaux et les portes flingues qui distillent les informations concernant le meeting du soir. A la fin, Aubry se fait prendre en photo avec les enfants de la ferme. Une vrai image de campagne, à tous les sens du terme! le directeur de cabinet veut m'empêcher de faire l'image...trop tard, c'est fait! fin de la séquence agricole.
AUBROY039
Arrivé sur le lieu du meeting, un repérage est organisé par l'organisation du PS. Ils déterminent des places pour les photographes pour l'arrivée des deux femmes. La seule image qui compte ce soir c'est celle ci. Elles deux ensembles. Je ne peux pas faire autrement. Le journal veut cette image, je veux cette image. Je me glisse donc avec bienveillance et renoncement dans le systeme de com. Sortir de cela, c'est prendre le risque de louper cette photo. Je ne suis pas fier de cette petite lacheté..mais ici la chaleur confortable de l'abandon dans les bras de la communication politique me permet de me concentrer sur autre chose. Je tente d'attraper un moment qui échappe. Un regard trop appuyé. Une bouche pincée. Un menton trop crispé.
Je me doutais que le placement serait chaotique, alors je m'étais équipé d'un 300 mm qui me permet de serrer au plus prêt les visages des deux femmes. Dans cette situation, ce que ne peuvent pas maitriser les communicants , se sont les expressions, les appartés rapides.
Nous voilà donc parqués en bout de tapis rouge. Derrière une corde, les deux femmes apparaissent. Elles avancent vers nous, sous les drapeaux et les acclamations prévus des militants.
L'image est parfaite. Je fais un série. Elles passent devant nous et s'installent au premier rang. La baston est inévitable..elle n'est d'ailleurs pas évitée!! je pousse, j'impose mes épaules. Un membre du service d'ordre me porte carrément. Je ne vois rien de ce que je photographie. Mes appareils pendent autour de mon cou sans que je puisse les attraper..ça crie, ça chante, ça pousse. Quand les deux femmes s'assoient, cela se calme. Nous sommes repoussées vers les côtés. C'est là que je fais une série d'images trés serrées. J'attend un long moment avant que des regards plus spontanés apparaissent. Comme le lait qui bout dans la casserolle, il faut choisir le bon tempo pour éteindre le feu, et le voir redescendre dans le récipient. Avec les politiques c'est pareil. L'arrivée dans la salle est comme le lait qui bout. cela monte trés vite, puis lorsqu'il n'est plus chauffé, la créme apparait. J'en suis là. Tout le monde se calme.
Certains comptent leurs blessures, physiques ou narcissiques. Je reste concentré sur les deux visages. ça y est, elles se parlent, s'observent, s'ignorent, se regardent..tout cela dans un temps trés court. ça m'arrange. J'ai peu de temps. 20h. Il faut que j'envoi mes photos aux journal. J'édite, je choisi l'image de l'arrivée et d'autres des visages..finalement, le journal prendra la photo de l'arrivée, celle qui s'imposait aujourd'hui, mais les autres resteront bien sagement dans les tiroirs en attendant une actualités plus propices à leur publication.
La mise en scène se déroule donc comme prévu. Le programme est respecté. Les horaires maintenus. Nous quittons la salle en même temps que les derniers militants.
En arrivant à l'hôtel , je regarde un dernier journal sur une chaine d'info. Je vois les mêmes images que celles que j'ai faites ce soir. Nous avons été là pour corroborer l'instant. Lui donner de la substance. Je me dit que ce soir j'ai réalisés des preuves du moment vécu plus que des images. Je, nous avons été là pour prouver que cela à bien eut lieu. Bon. Il faudra que demain je me remette à faire des images...

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