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Images du Quotidien
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16 juillet 2009

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montreuil054
Lundi soir. Me voilà à Montreuil. Banlieue parisienne. Le journal m'envoie couvrir un rassemblement qui se tient à la suite des violences policières qui ont eut lieu 4 jours avant lors de l'évacuation d'un squat. Un jeune homme à perdu un oeil après avoir été touché par un tir de flash ball. J'ai suivi l'affaire, de loin. Sur place, la foule commence à arriver. Anonymes, riverains, simples citoyens, ils viennent protester contre ce qu'il vivent tous les jours. Un homme me dit : "quand ils nous contrôlent, ils nous traînent par terre." Je m'éloigne lâchement, ne sachant que dire. Une cinquantaine de jeunes militants se joignent au cortège. Ils prennent les choses en mains. Ils semblent en être les organisateurs. Tous sont en noir, lunettes, foulards, casques sur la tête. Ils voient d'un mauvais oeil la présence des rares journalistes. Surtout ceux qui font des images. Une jeune fille vient nous indiquer des consignes. encore! "alors, voilà, on à décidé en AG que vous ne pourrez prendre que la banderole de tête en photo, pas d'autres images des personnes qui défilent, pas d'interviews." Je ne peux m'empêcher de protester. J'ai tort de discuter. C'est un dialogue de sourd. Ils ne veulent pas de moi, de nous, caméras et photographes. Je leurs dit que sans images leurs combat n'existe pas. Aujourd'hui, on peut le déplorer mais c'est ainsi. Ils s'en foutent. Me dise de partir si je le veux. C'est comme ça et pas autrement.
Impossible de travailler. Sur un coup de tête, je m'en vais. Je téléphone en colère au journal : "on peut pas bosser!! moi je m'en vais!!" bon bon, je n'en suis pas fier. c'était effectivement une réaction puérile. j'avoue. Mon éditrice au journal me persuade de rester et d'essayer de faire quelque chose. Elle as besoin d'une photo ce soir. Demi tour donc. A l'extérieur du rassemblement je travaille sur cette sacrée banderole qui cache les visages. Je tente une image avec les casques qui dépassent. Le cortège s'en va en manifestation. Je le laisse partir et rejoins le site de l'ancien squat évacué, prétexte de la manif du jour. Je me dit qu'en toute logique, les manifestants devraient y finir leur parcours. Tout est encore calme. Quelques camions de flics se tiennent là. Sans bouger. Je me cale dans un coin, sort mon ordi et transmet mes images au journal. Ca ira pour ce soir.
Même si je n'y crois pas j'ai du mal à quitter le lieu du reportage avant de les avoir vu arriver. Je reste donc à attendre. Cela ne tarde pas. Je suis à côté des flics. La manifestation remonte la rue principale, suivant le parcours prévu à l'avance. Quelques pétard sont lancés, on se croirait déjà au 14 juillet. Arrivé sur la place la cortège se fige. Cela gueule, insulte, mais aucune provocation physique ou violente. J'entends alors un commandant de police qui parle dans sa radio : "ouais, si vous me les ramenez sur la place, je travaille gentiment...bon, les gars on va charger" Oulà..en entendant cela je rejoins le cortège. Je sors mon brassard presse qui me sert 2 fois par an. Je pressens que c'est maintenant. Je sais qu'il me faut être sur le point d'impact. Je rejoins un camarade photographe à qui je donne l'information de la charge imminente. Il sort alors masque et lunettes. Je savais que j'étais mal équipé...Les flics chargent. Ils se ruent sur la fameuse banderole et l'arrache. Ils bloquent les manifestants. Beaucoup tombent par terre. Les coups pleuvent. Ca court dans tous les sens. Je fais beaucoup d'images à l'aveugle. Je connais mon 28 mm par coeur. Je sais quelle doit être ma distance. Je suis les flics dans leurs charges. derrières eux j'enregistre les attaques. Certains d'entre eux referment le piége. Ils protégent leurs collègues qui procèdent aux premières arrestations. On nous empêche de voir. Un officier me demande plusieurs fois de dégager. Au bout d'un moment il me dit : "bon je vous l'ai dit gentiment, maintenant je peux vous le dire pas gentiment.." Je suis moins con que tout à l'heure. je ne parlemente pas et fais le tour. Je me retrouve derrière des personnes qui crient sur les flics. Ils hurlent en leur disant qu'ils font n'importe quoi, qu'ils arrêtent. Certains demandent pourquoi?. Pourquoi ont ils chargés? Pourquoi ça recommence? Je fais une série de photos avec les manifestants de dos au premier plan. Un flic nous pointe avec son lance grenade. Il vise. Je m'approche. Passe devant les manifestant pour me planter devant les policiers. Le même continue à me viser. Je cadre en plein milieu de mon image. Je le vise à mon tour. Il ne bouge pas. Moi non plus. Aucun courage là dedans. La mythologie du photographe trompe la mort ne m'as jamais fait rêvé. Juste un moment suspendu, un peu inconscient. Une véritable inconscience. Ne pas savoir que l'on est là. Soudain, ça claque. Les lacrymogènes ont fais leurs travail. Le nuage toxique à éloigné les plus téméraires. Je pleure, je tousse. Non vraiment je suis mal équipé. Sortant de la brume, un fille me propose une petite fiole de produit à me mettre dans les yeux. Je la remercie d'une voix roque. Je vois au loin mes camarades photographes qui courent après les flics qui courent, eux, aprés les manifestants. Trois charges seront nécessaires aux flics pour venir à bout de la manif. Arrestations, coups, provocations, violences. Mon téléphone sonne dans la cohue. c'est le journal, ils veulent me dire quelle photo ils ont choisi pour demain. Recroquevillé dans un recoin je raconte ce qui se passe et m'excuse de ne pas pouvoir envoyer tout de suite pour passer au bouclage..Ils me disent de pas me soucier de cela et de faire attention à moi. Voilà. les camions de flics se retirent. Ils emportent des personnes pour une nuit de garde à vue au commissariat. Une poubelle brûlée fini de se consumer au milieu de la place. Les gazs se sont dispersés. Le bistrotier, remet sa terrasse en place. La vie reprend son court plus rapidement que je ne le pensais. Et si la capacité d'oubli était la plus forte?

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Commentaires
S
eh bien si tu travaille à libé , démasque toi camarade et viens en parler franchement.... le mieux serait d'éviter l'anonymat..
B
Ce qu'on peut dire au moins c'est que sur cette affaire le mieux aurait été que Libé ne s'y int"resse jamais, aprés avoir reproduit les dépèches AFP pendant cinq pleines journées...<br /> <br /> <br /> En apothéose sur le site du journal une vidéo d'une "artiste" résidant à Montreuil ou la manifestation est longuement filmée vus d'en haut, tous les visages bien visibles par dessus les fameuses banderolles qui ont tant ennuyé sébastien...<br /> <br /> Le bouquet étant que les onze interpellés du marché, (site de la photo de sébastien en une), sont filmées déja attachées et non floutées. Contraire à la dignité humaine et tout simplement a la loi de ce pays, qui s'applique à tous et pas simplement à la <br /> police...<br /> <br /> La plupart ont réussi a ne pas prévenir des parents ou employeurs, Libé s'en tape le coquillard, alors aprés les pleurnicheries de sébas sur les manifestants qui lui font des misères...<br /> <br /> L'attitude bien lourde du photoreporter bien neutre devant des gens parfois traumatisés, un ami défiguré, aucun politique présent, "je bosse moi"...<br /> <br /> Et il est tout content de se la raconter...<br /> <br /> signé: un témoin des évènement, et qui travaille aussi à Libé..
L
effectivement j'avais remarqué la série des 4 dans le journal, on sent la tension et le talent, quant aux modèles et au photographe, je me dis : chacun aime son métier...
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