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19 juin 2009

La solitude du militant

DESIR006
Pas de grande anecdote à vous livrer en ce moment, alors retour sur un instant de la campagne européenne.
Je me retrouve devant le forum des halles à paris pour photographier Harlem Désir, tête de liste ps en île de France, lors d'une séance de distribution de tracts. Les services de presse ont fonctionné. "attention!! le candidat distribuera des tracts , jeudi à 11H au forum des halles.." l'événement est même intégré à l'agenda de l'AFP distribué aux rédactions. Malgré cela, les médias ne se sont pas bousculés. A part moi, deux photographes d'agences sont là. Aujourd'hui, il fait beau. Alors je prépare mes boîtiers au soleil, le long du mur du commissariat. Bien vite un officier de police vient me demander ce que je fait là. Je lui montre ma carte de presse et lui explique que Harlem Désir va venir ici dans quelques minutes. "ah bon....qui?" Visiblement le policier n'est pas au courant. Je les briefe et nous partons tous vers nos occupations. Je verrai plus tard qu'une patrouille sera dépêché sur place pour vérifier que tout se passe bien. Me voilà donc avec mes camarades photographes à attendre la vedette du jour. Quelques militants sont déjà au travail. Ceux en costard cravate reste au milieu de la place et tendent nonchalamment des papiers au passants. Ils font cela sans vraiment regarder tout en continuant leur conversation. La scène est assez pathétique et évidemment nous, photographes, nous râlons. "c'est nul....y a personne...mais qu'est ce qu'on va faire de ça??" Je sais. Ce n'est pas glorieux. Mais parfois le vide d'une situation provoque un certain abattement. Ici, pas grand chose à photographier. Le candidat est en retard et est annoncé avec au moins une demi heure de plus sur l'horaire prévu. C'est l'attaché de presse qui est venu nous livrer cette information. Effrayée sans doute qu'elle était par nos mines contrites et renfrognées. J'ai toujours été fasciné par le talent de ces personne là dont une bonne partie du travail consiste à nous faire patienter durant les retards répétés des politiques.
Donc, nous attendons. J'avoue ne pas vraiment y être. Je pense à autre chose et ne fait aucune photo. En gros, je ne vois rien.. A côté de moi, j'entends un déclenchement d'obturateur. Je me retourne et voit un de mes collègues en train de faire des photos. Mon regard se dirige de manière automatique vers son sujet. De loin il travaille sur des jeunes militants qui tentent de fourguer leurs tracts. Ils courent, se précipitent sur les gens. Ils sourient. Certains font de grandes enjambées pour tendre leurs bras vers une personne plus réceptive là bas. Ils sont trois. ils s'écartent. Se rejoignent parfois et rient de leurs échecs. Les passants sont cruels. Ils les ignorent la plupart du temps. Alors, ils se ravisent. Remettent leurs papier sur la pile et lèvent la tête pour trouver une main qui veut bien prendre la prose du parti. "je fais des illustrations.....putain, personne leurs prend leurs papelards....." L'autre photographe m'a éclairé. Je n'avais rien vu. Du coup, je regarde la scène avec attention. Le ballet des jeunes pousses politiques est formidable. Si parlant. Si naïf. Sur le moment je n'ose pas faire d'images. Mon aveuglement me rend un peu honteux. Je dis à mon camarade que c'est formidable. Nous commentons la scène ensemble, puis lorsqu'il est parti, je cadre timidement les protagonistes. Je le fais presque en me cachant. J'ai attendu mon tour. Mon camarade photographe semble lui s'en foutre complètement. Il est parti sur autre chose. Pour l'instant je reste sur ce jeune militant au tee-shirt rouge. Il à fait ce qu'on lui à dit. Il y croit. Il se jette sur les gens qui sortent du métro. Il les interromps dans leurs course pour partager son enthousiasme. Il ne prend pas mal l'ignorance, le mépris dont il est la victime. Parfois, le flot de la foule s'interrompt et il reste seul au milieu de la rue avec son paquet de feuilles rouges. Je le photographie et je rêverait d'avoir une caméra pour fixer le mouvement de son corps vers l'électeur potentiel.
Le candidat arrivera avec une heure de retard. Il enlèvera son veston. Sa première phrase sera : "c'est qui la caméra là?"

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