A l'aveugle
Parvis des droits de l'homme, esplanade du Trocadero. Cérémonie pour le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme.
Rama Yade et Bernard Kouchner doivent être présents pour prendre la parole alors qu'une polémique est apparu entre eux le matin même. Bernard Kouchner à déclaré qu'avoir créé un secretariat d'état aux droits de l'homme était surement "une erreur". Secretariat d'état détenu par rama yade.
Donc. Le journal m'envoie sur place pour faire une image des deux personnages au centre de l'histoire politique du jour.
J'ai peu de temps.
La ceremonie est prévue à 19h45 et je doit envoyer mes photos à 20h30 au plus tard. Il fait froid. Il fait nuit. Il n'y a pas de lumiere. De nombreuses personnes se sont amassées autour du pupitre posé au milieu du parvis. Nous avons du mal à accéder. Kouchner et Yade évitent les objectifs, ils nous tournent le dos. J'essai de me faufiler entre les gens qui m'engueulent..."Arreter de bouger, il n'y à que ça qui vous interesse...vous vous fichez des droits de l'homme!.... " J'ai un peu honte. Je dois bien avouer que sur l'instant je ne me préoccupe que de la photo que je dois faire. Une image représentant les relations glaciales entre Rama Yade et Bernard Kouchner.
Je n'y vois rien. Je prend du recul. J'essai de trouver un passage pour mon regard. Entre les épaules, les têtes, je cherche une ouverture.
Quand j'en ai un dans mon cadre, l'autre manque et inversement. ça s'agite et ça s'énerve. Moi, je commence à m'angoisser. Je vais jamais arriver à faire cette photo..
Soudain, les officiels se figent. Il y une prise de parole. le début des interventions. L'habitude, le reflexe font que mes deux personnages prennent une attitude de respect. Ils ne bougent plus. Ils baissent la tête. le public fait de même. J'ai une ouverture. Rapidement je decide de les poser au bas du cadre. Histoire de leur mettre tout un espace plein de lourdeur sur les épaules. J'ai envie que cela pése.
Les regards baissés, les deux de profil. Le noir au dessus de leur têtes. Deux photos. Trés vite. Je sens que j'ai quelque chose. ça me rassure, un peu.
La cérémonie se poursuit. Même agitation, même honte de ma part qui ne s'interesse pas à ce qui se dit. Je suis concentré sur autre chose.
Fin des interventions. Départ. Applaudissements, huées. Je suis déjà loin. En train de choisir mes photos et de les transmettre. Je vois immédiatement sur mon écran celle dont je pressentait la justesse. Le journal à reçu mes images. Téléphone. C'est ok ils passent celle ci.
20h34...Je respire, je suis heureux.
C'est passé encore une fois.